Romans

 

BICHELBERGER, Roger. – Lettre à une trop jeune morte

Albin Michel. – 14 €

Foulques Nerra, comte d’Anjou, multiplie les pèlerinages à Jérusalem. Très cruel, il est sans pitié pour ses ennemis. Mais son seul grand remords, c’est son attitude envers sa jeune femme.
Roger Bichelberger utilise le procédé des mémoires. Il imagine Foulque Nerra souffrant, diminué, à l'aube de sa mort qui fait rédiger ses mémoires sous forme d'une lettre destinée à sa défunte première épouse Elisabeth de Vendôme. Il nous raconte ainsi sa vie, ses crimes perpétrés pour satisfaire ses ambitions de conquête, ses pèlerinages mais aussi ses remords, ses regrets, ses tourments. C'est par l'amour qu'il tentera de se racheter, d'apaiser son âme torturée, de s’absoudre de ses péchés, de demander pardon.
« Implacable abîme que celui de la passion qui, naguère, m'avait jeté avec une sorte d'obstination furieuse dans la haine de toi. Or, la passion est égoïste, impatiente, jalouse, nourrie d'orgueil, intéressée, rageuse, rancunière et souverainement injuste. »
Belle documentation historique. Fureur, amour, prières parfois. Un grand roman (mais pas long).
Chantal


♥ BOURDEAUT, Olivier. – Pactum Salis

Finitude. – 18,50 €
Coup de coeur

Roman psychologique avec un soupçon de polar, par l’auteur du très remarqué En attendant Bojangles.
Rencontre entre deux personnalités qui vont se chercher, s’apprécier et s’affronter. Un monde d’hommes où les femmes n’ont pas beaucoup de place. Les comportements de Jean (paludier) et Michel (agent immobilier) sont analysés avec la finesse et l’humour sarcastique d’Olivier Bourdeaut. Dans le détail, la scène de la mouche va annoncer le début de quelques séquences érotiques.
Bref, tout est à déguster dans le style Bourdeaut : la légèreté, l’insolence et surtout la poésie. Livre qui nous tient dans son rythme jusqu’au bout et nous donne de grandes émotions.
Martine

 


♥ BROKKEN, Jan. – Le jardin des cosaques

Librairie Vuibert. – 24,90 €
Coup de coeur
Traduit du néerlandais par Mireille Cohendy

Sans être tout à fait une biographie de Dostoïevski, le livre nous le montre sous un regard extérieur. Brokken s'appuie sur une correspondance conservée entre l'écrivain et le jeune baron germano-balte Alexandre von Wrangel, officier de justice à Semipalatinsk, qui se lia d'amitié avec Dostoïevski lorsque celui-ci fut envoyé au bagne puis en relégation en Sibérie. En effet, en 1849, Dostoïevski, lié au cercle révolutionnaire de Petrachevski, avait été condamné à mort puis gracié au seuil de l'échafaud, et envoyé au bagne à Semipalatinsk.
Le livre montre l'ordinaire des jours des deux jeunes hommes, l'écrivain profitant de l'accueil à la datcha « le jardin des cosaques », qui améliorait grandement son confort. Dostoïevski commence à rédiger les « Souvenirs de la maison des morts », et les deux amis sont chacun amoureux de femmes qui en principe leur sont interdites ! Un autre grand intérêt du livre est de nous montrer la vie dans ces vastes régions soumises à une autorité lointaine, où sévit la corruption, où se développent les exploitations minières, mais il n'y a pas encore de transsibérien...
C'est un récit vif, avec parfois un brin d'ironie distanciée, qui alterne avec les moments plus tragiques. Un bonheur de lecture !
Hélène


♥ CLAUDEL, Philippe. – L’archipel du chien

Stock. – 19,50 €
Coup de coeur

Sur une plage de cette île inhospitalière, trois corps de jeunes hommes noirs vont s’échouer. Les réactions du maire, du médecin, du curé, des instituteurs et de deux habitants agriculteur et pêcheur vont nous faire découvrir leurs personnalités à l’occasion du camouflage des corps et des conséquences de leurs actes. Les comportements immoraux de ces notables vont prendre le dessus sur le bon sens et la moralité de l’instituteur.
La fiction dans le récit nous pousse à entrer dans les réalités de comportements inhumains, individualistes et cupides. Ces caricatures poussées à l’extrême nous rappellent des comportements sociaux actuels. Par la synchronisation et le rythme des actions, l’écriture de Philippe Claudel nous oblige à des questionnements qui rebondissent sur des phénomènes de société actuels.
Martine

 


♥ DJIAN, Philippe. – A l’aube

Gallimard. – 19 €
Coup de coeur
Public averti : quelques passages « sexuellement réalistes »

Joan revient vivre avec son frère handicapé, à la mort de leurs parents, et (re)découvre des secrets de famille tout en voulant conserver les siens.
Style non conventionnel où les dialogues sont noyés dans le récit. Assez perturbant par le style et par le thème. Pas vraiment de suspense, tout coule lentement jusqu’au final vraiment inattendu.
Analyse intéressante d’une microsociété américaine en apparence tranquille mais qui cache des destins particuliers : prostituée, militants, flics…
Chantal

 


ENZENSBERGER, Hans Magnus. – Tumulte

Gallimard. – 22 €
A découvrir
Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary

L'écrivain, dramaturge, poète, essayiste allemand est aujourd'hui très âgé, 90 ans. Il dialogue ici avec lui-même, donnant à des textes des années 60 et 70 de brefs commentaires ou des précisions actuelles, dans des chapitres alternés, voulant échapper ainsi aux « mensonges des autobiographies ».
Ainsi des notes de voyages en URSS (1966), invitation officielle en Sibérie (1967), tumulte de l'époque et les suites au niveau personnel : la rencontre de son épouse Macha... criailleries et tumultes dans sa vie. On trouvera aussi des notes sur la révolte des étudiants allemands, la guerre au Vietnam, et tant d'autres voyages offerts aux écrivains dans des pays improbables, Cambodge, Cuba. Il y a même une année (presque) sabbatique dans une université américaine. Beaucoup de pages sont consacrées aux mouvements étudiants gauchistes qu'il a côtoyés sans jamais adhérer, il y a quelques pages époustouflantes sur un groupuscule suédois qui ayant fait son autocritique condamne à mort celui qui avoue douter de la révolution, une page sur la bande à Baader qui avait cherché à se cacher dans son appartement.
Le temps a mis à distance tout cela, et l'observateur ne cache pas que, bien que sur le terrain, il n'a jamais été impliqué dans le tumulte. J'ai beaucoup apprécié les notes anciennes, « sur le vif ».
Hélène


♥ FRAPPAT, Hélène. – Le dernier fleuve

Actes Sud. – 20 €
Coup de coeur

Pendant des jours, Mo a porté son petit frère Jo sur son dos. Combien de temps les enfants ont-ils erré avant de trouver refuge dans cette grange abandonnée, au bord d’un fleuve immense ? Eux-mêmes ne s’en souviennent pas. Ils explorent les alentours, se nourrissent des bienfaits du fleuve, découvrent une belle dame qui vit dans une cabane sur pilotis, une sorcière qui vit sur une île, une « famille gorgone » qui vit primitivement dans une grotte, et surtout une petite fille sauvage qui vit dans une barque et ne connaît même pas son nom. Ils l’appelleront Vive. Aimantés par le fleuve, et au-delà par l’appel de la mer, tous trois finiront par s’y perdre, pas forcément pour le pire.
L’autrice ne donne aucune explication à la situation des personnages. On pourrait même se croire aux débuts du monde, sauf que Mo utilise une paire de lunettes pour allumer un feu. Impossible d’identifier un pays, plusieurs langues mystérieuses se croisant. Toute société organisée semble avoir disparu, et pourtant sur l’autre rive, un village existe. Cette perte de repères est amplifiée par le fait que tout est raconté du point de vue des enfants, pour qui les formes inconnues sont autant de monstres effrayants, et le fleuve une créature vivante. La fusion de l’homme avec l’eau travaille tout le texte, à la fois terrible et rassurante. Une lecture étrange et marquante.
France


♥ GRECO, Evita. – Le bruit des choses qui commencent

Albin Michel. – 21,50 €
Coup de coeur
Traduit de l'italien par Marie Causse

Une très jolie histoire douce, avec beaucoup de poésie.
Ada a été abandonnée par sa mère, elle a été élevée par sa Grand-Mère, Teresa. Ada a 24 ans et une façon particulière de voir la vie, elle est tombée amoureuse de Matteo en voyant son reflet dans le miroir... Matteo, elle sait beaucoup de choses de lui, mais il a aussi de nombreuses zones d'ombre. Où va-t-il quand il n'est pas avec elle ? La grand-mère d'Ada a une leucémie et va passer ses derniers mois à l'hôpital où Ada va se lier d'amitié avec une infirmière très impliquée, Giulia et puis... la suite ne se raconte pas, il faut la découvrir.
Très agréable à lire, poétique.
Chantal

 


HADDAD, Hubert. – Casting sauvage

Zulma. – 16,50 €
A découvrir

Damya est danseuse, c'est la veille de la première d'un ballet où elle tient le rôle principal. Elle a rendez-vous au café à Belleville, avec un bel inconnu rencontré la veille. Cet homme sera son bourreau et l'assassin terroriste du 13 Novembre à Paris. Un an après, handicapée à vie, une ancienne amie lui propose de trouver une centaine de figurants pour un casting sauvage à travers Paris. Les hommes et les femmes devront incarner des silhouettes sorties des camps nazis. Damya part à leur recherche dans un Paris des éclopés de la vie, à la rencontre de personnalités touchantes et incarnées.
Damya remplit son contrat, apprend beaucoup des autres et finira par faire confiance à la vie.
C'est une belle histoire, simple et efficace.
Marie


KITSON, Mick. – Manuel de survie à l’usage des jeunes filles

Métailié. – 18 €
Traduit de l'anglais

Histoire de Sal, 13 ans et de sa petite sœur Peppa, 10 ans. L’auteur était connu pour avoir lancé un groupe de rock, The Senators, dans les années 80. Un côté irrévérencieux se retrouve tout au long de l’histoire, que j’ai trouvée très amusante, parfois vraiment drôle. Pourtant, la misère, la violence, l’enfance violée n’ont rien de risible. Tout l'enjeu est de survivre au sens strict. Couper du bois, correctement, faire du feu, sans fumée, se cacher, toujours.
Un récit pragmatique sur les préoccupations du survivant en pleine nature écossaise, au début de l'hiver, lance donc ce Manuel de survie à l'usage des jeunes filles. Le roman est souvent présenté comme un manuel, avec des règles à suivre et des épreuves : « Survivre se résume en grande partie à prévoir, prendre le temps de réfléchir, prévoir. »
Peu à peu quelques éléments de la vie d'avant, avec m'man et Robert nous parviennent. Puis de plus en plus. Mais Sal est pudique et est une guerrière. Elle pense à leur survie. Parfois, pas toujours aussi rationnelle que prévu, elle s'inquiète pour m'man. Comment l’aider ?
Deux niveaux de lecture : en surface une histoire de survie rigolote. Puis une réflexion sur les enfants maltraités par un beau-père violeur et ce qui peut s’ensuivre…
Chantal


LEPETIT, Sébastien. – Merde à Vauban

Flamant noir. – 19,50 €

Nous sommes en mai 2008, à Besançon. Pierre Montfort, adjoint au maire et prof d’histoire, donne une conférence visant à promouvoir la candidature du réseau VAUBAN au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le lendemain matin, on le retrouve mort au pied de la citadelle. Est-ce un suicide ou un meurtre, une affaire privée ou un coup pour descendre la candidature de la ville ? Le jeune lieutenant Monceau va mener l’enquête avec le commissaire Morteau, un franc-comtois chevronné et bourru.
Un roman policier touristique et gastronomique qui permet de découvrir ou redécouvrir Besançon et ses alentours. L’auteur met en avant sa région en donnant des noms de villes et villages à ses personnages.
Nathalie

 


LOUIS, Edouard. – Qui a tué mon père

Seuil. – 12 €

Déjà chroniqué en septembre 2018, second avis
La politique sociale française à travers les blessures du corps de son père. Livre engagé et polémique.
Dans ce livre, Edouard Louis décrit ses souffrances d’enfant lorsqu’il devait « encaisser » de cruelles brimades. Il cherche l’origine des maux que subit sa famille pour pousser à une réconciliation. Son père qui a le dos cassé suite à un accident du travail ne semble pas toucher la rente accident du travail qui correspondrait. Ce père devenu bénéficiaire du RSA aurai été obligé de travailler dur malgré ses handicaps.
Je suis surprise de l’excès des propos d’Edouard Louis sous couvert d’une écriture romanesque. Qu’il ait souffert dans sa famille et qu’il ait besoin d’exprimer sa haine des politiques sociales françaises ne l’obligeait pas à être aussi réducteur. Réponse à Edouard Louis par Martin Hirsch : accusé d’avoir tué son père, Martin Hirsch a écrit un polar intitulé Comment j’ai tué son père, aux éditions Stock.
Martine


MAC DONALD, Patricia. – La fille dans les bois

Albin Michel. – 19,90 €

Orphelines, Blair Butler et sa sœur aînée Celeste ont été élevées chez leur oncle Ellis Dietz à Yorkville. Alcoolique et raciste, il a de plus un sale caractère. Quinze ans plus tôt, Molly Sinclair, la meilleure amie de Blair Butler, a été assassinée. Le coupable désigné était un Afro-américain, Adrian Jones, qui croupit toujours en prison. Au début du roman, Blair est associée dans une société d’informatique de pointe, à Philadelphie. Sa sœur Celeste est retournée vivre avec son fils âgé de dix ans, Malcolm, chez l’oncle Ellis. En phase terminale d’un cancer, Celeste confie un secret à Blair. Elle aurait pu disculper Adrian Jones, qui n’a pas tué Molly, mais a gardé le silence à cause du racisme violent de leur oncle Ellis.
Ayant promis à sa sœur de réhabiliter Adrian Jones, Blair rencontre un avocat et cherche d’éventuels témoins. Chez les Knoedler, les voisins directs de la famille de Molly, la fille se souvient d’un incident qui eut peut-être un rapport avec le meurtre. L’avocat recommande à Blair de s’adresser à Tom Olson, ancien policier, qui peut se charger d’enquêtes privées. Toutefois, celui-ci fit partie des flics qui s’occupèrent du meurtre de Molly Sinclair et ne veut pas donner de faux espoirs ni à Adrian Jones, ni à Blair. Malgré tout, il ne compte pas renoncer. En se rapprochant du véritable coupable, la jeune femme se met en danger…
Policier qui se lit facilement et avec plaisir. Fin américaine attendue !
Chantal


MALKA, Victor. – Petites étincelles de sagesse juive

Albin Michel. – 7,70 €

Série de proverbes, citations et histoires brèves.
Le grand nombre de proverbes contenus dans cette anthologie parlent de la vie quotidienne, de l'amour et de la haine, de la vie et de la mort, du bien et du mal, des parents et des enfants, de Dieu et des hommes, du péché et du repentir, du temps et de l'éternité...
Comme tous les proverbes, ils reflètent la vie d'un peuple, ses passions, ses soucis, ses joies et ses peines. Comme tous les proverbes, ils sont aussi une part de la sagesse des nations, du métier de vivre que tous les hommes de toutes les générations ont appris et qu'ils ont transmis à la postérité.
Il ne faut pas lire tous ces textes à la suite, mais quelques-uns seulement puis attendre, digérer et continuer.
Chantal

 


RAFFY, Serge. – Les mains du « Che »

Seuil. – 19,50 €
A découvrir

Destins croisés d’un fils de pêcheur vénézuélien et d’un journaliste français autour de l’énigme de la mort d’Ernesto Guevara.
Plaisant roman mêlant l’histoire réelle et la fiction. L’écrivain est un spécialiste de Fidel Castro, sans en être un fervent supporter, ce qui donne du crédit à son propos. Plaisant, donc, mais pas génialement indispensable.
Chantal

 

 

 


SAUTIÈRE, Jane. – Mort d'un cheval dans les bras de sa mère

Verticales. – 17 €
A découvrir

Titre énigmatique pour un très beau livre. Jane Sautière évoque les animaux qui ont peuplé sa vie.
Enfant, elle était cheval : elle piétine, trotte et caracole, elle rue même pour échapper au sort familial, petite fille vivante après des enfants morts. Suit une autobiographie animalière, les nuisibles, les beaux, les comestibles, les domestiques, un vrai bestiaire peuplant notre vie à tous finalement.
Très belle réflexion sur la domination, la cruauté ou pas, la beauté, et l'impuissance des hommes à décrire le monde animal du point de vue de l'animal.
Le dernier chapitre intitulé « Le plus petit de tous », est une merveille de sensibilité et d'humanité.
C'est le cinquième livre publié par Jane Sautière aux éditions Verticales, après Nullipare et Dressing.
Marie


♥ SCHMITT, Eric-Emmanuel. – Félix et la source invisible

Albin Michel. – 17 €
Coup de coeur

Félix, douze ans, vit heureux auprès de sa mère Fatou, qui tient un café à Belleville. Mais tout se gâte lorsqu’elle projette d’acheter le local du voisin qui part en retraite : la transaction échoue et, sous le choc, le voisin fait une attaque. Persuadée qu’elle l’a tué, Fatou sombre dans une profonde dépression. Aidé par les habitués du café, Félix tente d’abord de faire face à la situation, puis appelle à la rescousse l’oncle Bamba. Celui-ci débarque aussitôt du Sénégal et emmène Fatou consulter tous les marabouts de Belleville, sans résultat. C’est alors qu’apparaît le père de Félix, pour qui la solution se trouve en Afrique, là où Fatou a passé son enfance.
Eric-Emmanuel Schmitt continue son Cycle de l’invisible, en traitant cette fois de l’animisme. Le récit, fait à hauteur d’enfant, est un régal de tendresse et d’humour. Si la galerie de personnages secondaires hauts en couleurs est certes trop caricaturale, elle participe du conte initiatique, et à partir du moment où l’histoire se déplace en Afrique, les choses s’approfondissent et s’affinent. Félix apprend à connaître son géniteur, les blessures cachées de sa mère, l’héroïsme improbable de l’oncle Bamba… et comprend que l’animisme n’est pas une affaire de gris-gris.
France


♥ THILLIEZ, Franck. – Le manuscrit inachevé

Fleuve. – 21,90 €
Coup de coeur

Ambiance noire, l’hiver, entre la côte d’opale et les montagnes de la région grenobloise. Un livre dans le livre, sur une écrivaine dont la fille a disparu il y a quatre ans, et parallèlement les enquêtes de deux policiers sur la découverte accidentelle d’un corps dans le coffre d’une voiture. Les affaires se poursuivent pour enfin se rejoindre partiellement.
Franck Thilliez joue avec son lecteur. Il distille les indices sur de fausses pistes et nous fait vivre plusieurs scènes particulièrement noires avec des tueurs très tordus. Il nous tient en haleine jusqu’aux dernières pages. Livre qui se lit sans relâche et va nous poursuivre jusqu’au prochain. J’espère avoir résolu l’énigme mais j’attends l’avis d’autres lecteurs.
Martine


WILMS, Anila. – Les assassins de la route du Nord

Actes Sud. – 19,80 €
Traduit de l'allemand
Pour lecteur averti

Roman historique s’inspirant d’un fait divers, en 1924, l’assassinat de deux américains sur la route du Nord, en Albanie. Mais que faisaient donc ces deux américains sur la route du Nord, dans des régions reculées et hantées depuis la nuit des temps ?
Cela devient une affaire d'état : journalistes, diplomates, habitués des cafés se passionnent... Qui a bien pu vouloir leur mort ? Pourquoi l'effervescence s'empare-t-elle de la capitale ? L'auteur mélange les légendes albanaises, au coeur de l’Albanie méconnue, au bouillonnement politique du lendemain de la grande guerre...
Sorte de parabole sur la modernisation à marche forcée d'un pays, le poids immense des traditions, les conflits d'intérêt, les codes ancestraux, la diplomatie, les résistances de toute sorte, la haine, l'esprit de vengeance, la situation de Tirana, les rouages d'un système, l'autorité du KANUN, l'enquête des journalistes et le travail des services secrets qui s'en mêlent...
Une rude expédition sur des routes poussiéreuses et défoncées...
C'est bien écrit, un premier roman traduit de l'allemand. Souvent un côté ironique, voire humoristique.
Chantal

 

Bandes dessinées

 

BETAUCOURT, Xavier ; FERLUT, Nathalie. – La pyramide de Ponzi

Delcourt. – 17,50 €
A découvrir

C’est l’inventeur de l’escroquerie du siècle lui-même qui raconte avec désinvolture sa vie d’arnaqueur professionnel. Accompagnée de dessins à la caricature particulièrement amusante, cette BD décortique le montage de telles entourloupes qui ont fait de nombreux émules depuis le début du siècle aux Etats-Unis, où Ponzi, émigré italien, a exercé ses talents. Sa pyramide financière consiste à proposer à quelques connaissances des investissements censés rapporter des gains faramineux, puis au fur et à mesure que l’on intègre de nouveaux « investisseurs » de payer les intérêts des premiers avec l’argent des suivants et ainsi de suite. Madoff n’a pas procédé autrement. A la fin de cette BD docufiction quelques pages esquissent un historique de ces escroqueries.
Françoise


BUI, Thi. – Nous avons fait de notre mieux

Hachette Comics. – 24.95 €
A découvrir
Tout public

Thi Bui raconte son enfance, celle de ses parents qui sont partis du Vietnam pour émigrer aux Etats-Unis. C’est la naissance de son fils qui permet à Thi Bui de prendre la mesure de la vie de ses parents qui ont fui la guerre, de la force de sa mère qui a mis au monde six enfants, de l’exil forcé, de la reconstruction dans un autre pays. Thi Bui fait le rappel des valeurs qui lui ont été transmises, des failles aussi et se demande si elle aussi elle les transmettra à son fils.
Une histoire d’exil sous forme d’une biographie illustrée fleuve (plus de 300 pages), encrée noire et sépia qui émeut par la force de la résilience de ceux qui luttent pour vivre en paix.
Elodie


BUNJEVAC, Nina. – Bezimena

Ici Même. – 29 €
A découvrir
Public adulte et prévenu, cette bd était vendue sous blister…

Benny est un garçon élevé dans une famille aimante, pourtant, il développe très vite des obsessions sexuelles pour sa petite camarade de classe Becky. Ses obsessions ne faisant que croître, Benny ne peut plus vivre en société et se retire du monde. Travaillant dans un zoo, il se fait discret mais continue d’être obsédé par les filles qu’il regarde en cachette. Jusqu’à ce que la « bête » s’empare de lui.
Un album noir et blanc où la page de gauche porte le texte et celle de droite le dessin, en pleine page, étourdissant de réalisme photographique, glaçant aussi puisque les scènes sont dures entre érotisme malsain et pornographie. Benny est un délinquant sexuel que l’on suit et dans la peau duquel nous sommes comme lui prisonnier… Un conte pour adulte qui malmène son lecteur.
Elodie


HEADLINE, Doug ; CABANES, Max – Nada, d'après Jean-Patrick Manchette

Dupuis. – 28,95 €
A découvrir

Un groupe d’anciens anarchistes organise l’enlèvement contre rançon d’un diplomate américain à l’occasion de sa visite dans une maison close de luxe. Dès le début cela tourne mal, il y a deux morts et un des anarchistes est blessé. Le groupe finit par être démantelé par la police avec la même violence.
Ames sensibles s’abstenir. Pour Manchette, qui se revendiquait d’extrême gauche, il s’agit là d’une dénonciation de la violence politique qu’elle soit d’état ou du terrorisme de gauche, un récit bien fait pour écœurer le lecteur de recourir à de tels procédés ; de ce point de vue-là, c’est réussi d’autant que le dessin, noir à souhait sert parfaitement le propos. Jean Claude Chabrol en a aussi tiré un film.
Françoise


DEPREZ, Olivier. – Le château, d’après F. Kafka

FRMK. – 35 €
A découvrir
Tout public

Le géomètre K doit se rendre au château mais il se confronte à l’absurde de la bureaucratie.
Réédition du Château d’après Franz Kafka paru en 2003 chez Frémok. Bande dessinée entièrement réalisée à la gravure sur bois qui donne à chaque planche la taille d’un tableau au noir et blanc brut et graphique. Peu de texte, ce roman graphique est plus expérimental que véritablement narratif, chaque case s’expose et les longs personnages ressemblant à des figures de Modigliani mélangées à des masques africains offrent leur regard fermé.
Elodie

 


♥ GOLZIO, Boris. – Chroniques de Francine R. : résistante et déportée

Glénat. – 19.50 €
Coup de coeur
Tout public

Francine R. est une cousine éloignée de l’auteur qui a recueilli son témoignage de résistante et déportée à Ravensbrück. Arrêtées avec sa sœur par la Gestapo pour faits de Résistance dans la Loire en Avril 1944, Francine subit les coups, les humiliations, les privations, le travail forcé et parvient à survivre jusqu’à la fin de la guerre où elle est libérée par la Croix-Rouge alors qu’elle ne pèse plus que 33 kilos.
Un récit en sépia qui permet de ne pas oublier, de connaître aussi l’histoire de cette femme décédée à 81 ans en 2003 qui parle pour toutes celles qui n’ont pas survécu. L’auteur transcrit fidèlement la parole de Francine et apporte des précisions quand il le juge utile ou quand il pense que les faits méritent des explications. Ces encarts sont matérialisés dans des cases de couleur brune-noire afin que le lecteur comprenne qu’il s’agit de la parole de l’auteur et non plus de Francine.
Elodie


MORIZUR, Guénola ; DUVOISIN, Marie. – Nos embellies

Grand angle. – 16,90 €
A découvrir

Lily, bouleversée, vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Elle hésite : va-t-elle en parler à Felix, le père, lui qui est toujours dans les nuages avec sa musique ? Mais voilà que celui-ci lui annonce que son neveu de 6 ans arrive de Montréal dans quelques jours et qu’il ne peut absolument pas s’en occuper, enregistrement musical oblige. Lily va donc prendre l’enfant en charge, juste avant Noël. Commence alors un voyage à la recherche de la neige qui manque à l’enfant, ce qui va occasionner de belles rencontres et, peut-être, la réponse aux questions de Lily.
Une belle histoire autour du destin, de l’amitié et de l’amour.
Françoise


♥ NURY, Fabien et BONHOMME, Matthieu. – Charlotte impératrice, tome 1 : la princesse et l’archiduc

Dargaud. – 16.95 €
Coup de coeur
Tout public

La princesse Charlotte est la fille du roi Léopold 1er de Belgique. Elle a 16 ans, doit trouver un mari et choisit Maximilien d’Autriche qui la séduit. Une fois mariée, son époux libertin lui semble bien fade et ignoré par son frère ainé l’empereur François Joseph de Habsbourg-Lorraine. Charlotte prend alors conscience de sa solitude et des combats qu’elle va devoir mener.
De l’enfance et son insouciance, Charlotte va passer aux soucis de couple et aux complots politiques. Le trait est fin et précis et la mise en couleur d’Isabelle Merlet est d’une grande richesse qui varie au fil des pages et des ambiances de l’histoire.
Elodie


PEREZ, Laura ; MONTORTE, Pablo. – Naufragés

Des ronds dans l’O. – 24 €

C’est une histoire simple entre deux étudiants espagnols de la génération Y : une occasion manquée de tisser des liens durables. L’auteur fait se chevaucher deux époques à dix ans d’intervalle (1980 et 1990) et deux villes (Madrid et Barcelone).
Il s’agit plus ici d’une atmosphère rendue par un dessin pastel un peu mélancolique. On s’ennuie un peu à vrai dire. Peut-être à faire lire aux jeunes de l’âge concerné.
Françoise

 

 


♥ RADICE, Teresa et TURCONI, Stefano. – Amour minuscule

Glénat. – 27 €
Coup de coeur
Tout public

Iris et Ismail vont s’installer ensemble dans la maison familiale d’Iris. Elle est d’origine argentine, dessinatrice, blonde et catholique, lui est calligraphe, brun mat d’origine syrienne et musulman. Ils sont amoureux et commencent leur vie mais Ismail doit retourner en Syrie régler quelques affaires… Et tout bascule dans l’horreur de la guerre et l’attente d’Iris qui n’a plus de nouvelles du père de son futur enfant auquel elle écrit, son « amour minuscule »…
Une plongée intense dans une histoire riche graphiquement et scénaristiquement. Les auteurs n’ont rien éliminé de ce véritable roman graphique de quelques 300 pages. Une histoire d’aujourd’hui qui parle de la guerre, de l’amour, des origines, de la lutte pour la survie, de la difficulté de sortir d’un pays en guerre, du statut des réfugiés, de la filiation…
Beaucoup d’émotions malgré quelques longueurs dans les lettres d’une page.
Elodie


♥ WEYHE, Birgit. – La Ronde

Cambourakis. – 20 €
Coup de coeur
Tout public

Une petite médaille en or avec la Vierge Marie va parcourir, de mains en mains, tout le XXème siècle et ses luttes sur plusieurs continents. Ainsi, les destins de plusieurs personnes seront liés par ce fil rouge, cette petite médaille qui se transmet, est perdue, retrouvée, volée, échangée, jusqu’à revenir dans la famille de Marie Boivin, à Montréal.
Cette ronde de la petite médaille à travers le monde, les peuples et les époques est un témoin de l’histoire qui répond à la question que l’on se pose souvent « si cet objet pouvait parler »… Ce roman graphique en noir et blanc, chapitré suivant les personnages rencontrés, au graphisme expressionniste est empreint de sensibilité.
Elodie

 

Documentaires

 

ADLER, Laure ; VIÉVILLE, Camille. – Les femmes artistes sont dangereuses

Flammarion, 29.90 €
A découvrir
Tout public

Portraits de cinquante créatrices de la Renaissance à nos jours permettant de (re)découvrir nombre d’entre elles dans leur pratique artistique et leur destin. Les grands noms de la peinture Artémisia Gentileschi, Frida Kahlo côtoient les peintres oubliées telle que Sofonisba Anguissola. La sculpture, la photographie, les installations contemporaines ou les performances, les artistes femmes de tout âge et de tous pays sont représentées.
Bel ouvrage de vulgarisation, une page de texte, une œuvre, montrant que les artistes femmes sont nombreuses et souvent méconnues. Après Les femmes qui lisent sont dangereuses, Laure Adler apporte le nom et la collection mais s’entoure d’une historienne de l’art pour le contenu. On ne sait pas pourquoi les femmes artistes sont dangereuses, si ce n’est dans le titre, mais tout le monde aura facilement accès à cet ouvrage.
Elodie


♥ COLOMBO, Agnès. – Mes photos au smartphone : shootez, traitez, partagez

Eyrolles. – 13.90 €
Coup de coeur

Des trucs et astuces pour réaliser de belles photos avec son smartphone simplement et en s’amusant. De nombreux conseils pour la mise en ligne des images sur les réseaux sociaux et pour l’impression. Un livre dont on ne peut plus se passer tellement il contient de précieux conseils agrémentés de nombreuses images.
Un trésor.
Nathalie


FORDHAM, Demetrius. – Photographes, sortez de votre routine !

Eyrolles. – 19.90 €
Traduit de l'anglais

50 trucs et astuces faciles pour stimuler votre créativité et relever des défis. De nombreuses images permettent de mieux montrer les choses.
Un livre utile pour tous les photographes.
Nathalie

 

 

 


♥ SUMPF, Alexandre. – La Russie et les Russes en révolutions

Perrin. – 25 €
Coup de coeur
Pour public motivé

C’est sans doute une gageure de vouloir brosser l’histoire, même en plus de 500 pages, de la révolution russe dans toute sa complexité. Alexandre Sumpf a relevé le défi en s’appuyant sur les sources filmiques peu utilisées jusqu’ici par les historiens, les magazines et les illustrations de l’époque et surtout les archives des provinces russes qui ont été récemment ouvertes. Ces sources présentent un nouvel éclairage sur la main mise progressive des bolcheviks sur le territoire et une meilleure compréhension des luttes pour le pouvoir des différentes tendances jusqu’au fin fond de la Russie. Un index, une chronologie, une bibliographie, des cartes et le plan de Petrograd où sont situés les lieux emblématiques sont très précieux pour le lecteur.
Françoise