La MDJ proposait une formation intitulée "Facile à Lire" avec Dominique Genty du Centre de Ressource Illetrisme Rhône en 2019. Voici le compte-rendu.

Prise de contact avec l'écrit

Plusieurs étapes :

  • Sensorielle : le livre est beau, laid, toucher, odeur… Cette étape ne doit pas être sous-estimée pour donner envie du livre.
  • Perceptive : mettre de l’ordre dans ce qu’on voit, qu’est-ce qui est le plus important, qu’est-ce qui a moins d’importance dans ce que l’on perçoit ?
  • Cognitive : on reconnait ce que c’est à partir de ce qu’on connait déjà.

Il faut donc laisser du temps pour la prise de contact avec le document.

Processus cognitif :

  • Éviter les exigences de régularité et de nombre de participations.
  • Commencer par privilégier la lecture évasion et non la lecture utilitaire. C'est une pédagogie du détour pour amener à l’apprentissage par le plaisir.
  • Deux formes de lecture existent : l'adressage (proche de la lecture « globale ») pour laquelle on va chercher le mot à lire dans la mémoire. C’est la méthode des « chercheurs de sens ». Elle s’appuye sur une approche plutôt visuelle; l'assemblage (proche de la méthode syllabique) pour laquelle on décompose pour trouver le sens et on recompose les mots en associant les lettres. Elle peut s’appuyer sur une approche auditive. C’est la méthode des « déchifreurs ».
    Selon les personnalités, chacun est plus proche de l’une ou l’autre tendance (même si on utilise à différents degrés les deux).
  • Lire c’est aussi émettre des hypothèses. Pour s’en persuader il suffit de lire un article en langue étrangère : on devine de quoi ça parle à partir de ressemblances ou de connaissances antérieures du contexte évoqué.

Les publics

Les collections Facile à Lire peuvent également concerner des publics sans problèmes de lecture mais éprouvant le besoin de lectures simples :

  • Personnes en recherche de lecture de détente
  • Personnes fatiguées
  • Personnes malades
  • Personnes manquant de temps pour lire

En élargissant le public visé, on ne stigmatise pas les publics en difficulté de lecture et en situation d’illettrisme.

Dans les autres pays, on ne fait pas de différence entre l’analphabétisme et l’illettrisme. C’est une distinction purement française (constatée nécessaire par ATD quart-monde dans les années 80). Les publics concernés sont couramment appelés publics ALPHA.

Catégories de pblics ALPHA

  • Gens du voyage : différence de perception du temps par rapport à notre perception. C'est à prendre en compte pour gérer les problèmes de délais (mettre en place des outils par exemple rappels SMS pour les rendez-vous ou les délais de prêt). Différence de perception des probabilités et des obligations : « Inch’Allah ».
  • Personnes venues d'ailleurs : impression d’incompétence qui représente un frein important. Rapport très révérencieux à l’écrit très sacralisé. Préférence pour des ouvrages illustrés, soit de lecture simple, soit en lien avec une culture connue. Mais ne pas confondre culture avec pays, les frontières ne sont pas forcément les mêmes pour ces deux notions.
    Utilisation très possible d’ouvrages pour enfants : habitude de voir des livres apportés de l’école par leurs enfants, goût pour les livres animés et les livres bien illustrés.
    Attention aux difficultés liées à la lecture des BD, lecture qui nécessite de faire le lien entre texte et image d’une façon qui n’est pas toujours facile.

Les personnes qui ont appris à lire dans une langue étrangère

  • Fonds FLE (Français langue étrangère).
  • Difficultés possibles: rapport à l’écrit culturellement différent, difficultés à l’oral : prévoir des outils avec des illustrations parlantes pour expliquer les procédures, difficultés pour comprendre nos modes sociaux.
  • Prédilection pour des manuels d’apprentissage ou pour des livres « Faciles à lire ». Coup de cœur formatrice : « Ma clé Alpha ».
  • Difficultés pour la médiathèque ou le formateur: Ils ont appris mais on ne sait pas à quel niveau et donc quel niveau de manuel leur proposer. Proposer des activités qui peuvent rebooster le travail fait avec les formateurs.
  • Valoriser des collections de livres en langues étrangères (photos des fonds disponibles dans les halls d’immeubles etc.).
  • Utiliser les fiches lire PMEG : elles plaisent souvent aux adultes et peuvent être utilisées en autonomie, les bénévoles et les formateurs ne trouvent pas ces ouvrages en librairie. Il est donc intéressant de les présenter.
  • Utiliser les « Cinaimant» : clés USB proposées par Action pour la Culture. Ce sont des outils qui sortent de l’ordinaire.
  • Voir CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues- Apprendre, Enseigner, Évaluer), document publié par le Conseil de l’Europe en 2001. Donne des niveaux de compétence pour la connaissance des langues étrangères (de A1 Découverte à C2 Maîtrise).

Les personnes en situation d'illetrisme

  • Ces personnes ont été scolarisées en langue française mais ne parviennent pas à une maîtrise suffisante de l’écrit au quotidien.
  • Ces publics sont plus nombreux en milieu rural qu’en ville.
  • Certaines personnes arrivent à lire mais pas à détecter les informations implicites dans les textes.
  • À peine 1% des 7% de personnes en situation d’illettrisme commencent une formation, encore moins la terminent.

Cadres à utiliser

  • Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI). Trois missions :
    - Mesurer l’importance de l’illettrisme dans la population : actuellement 7% (hors populations des prisons, monastères, hors SDF etc., et les décalages entre écrit et lecture ne sont pas testés).
    - Outiller les structures pour qu’elles puissent accompagner les personnes.
    - Mutualiser les initiations/actions…
  • Centres de ressource contre l’Illettrisme (CRI) : voir dans présentation proposition de formation.
  • Semaine nationale d’action contre l’illettrisme: autour du 8 septembre. Utiliser ce cadre pour faire connaître les actions mises en place.

Posture et procédures à adopter

Où rencontrer les publics ?

  • Lieux et moments pour les courses
  • Lieux et moments de formation à l’arrivée en France. Par exemple, un non-européen qui a obtenu une autorisation de séjour signe un Contrat d’Intégration à la République : il s’engage à s’intégrer, l'état s’engage à lui proposer des formations (600 heures de cours), le niveau de langue française requis pour obtenir la nationalité est B1 (= Seuil : pouvoir se débrouiller dans des situations simples et exprimer son opinion). En-deça, on reste dans la survie.
    Les formateurs d’arrivants sont en demande de sorties en bibliothèques. La difficulté réside dans la fidélisation de la personne après la rencontre avec les formateurs.
    Mais passer par des formateurs résoud certains problèmes liés à la mobilité des publics concernés.
  • Faire une communication pour que les médiathèques soient sollicitées par les formateurs pour accueillir les formations.

Procédures 

  • Prévoir plusieurs rencontres, une seule visite ne suffit pas pour créer la familiarité. 
  • Utiliser les enfants pour créer le lien : activités en famille. Pendant les activités pour les enfants, prévoir un temps/activité pour les parents (café avec rencontres, mise en valeur pour feuilleter, etc.).

Postures 

  • Faire comprendre qu’il y a la place dans les bibliothèques pour les différences (d’écritures, de cultures…).
    Une personne qui assume une forme « autre » d’écriture peut soit :
    - se sentir à l’aise dans son rapport à l’écriture
    - pratiquer des stratégie de comportement de ce qu’elle considère comme une difficulté
    - présenter une forme d’autisme social
  • Besoin de variété dans les supports et dans l’offre : mettre bien en vue les fonds auxquels les personnes peuvent accéder au commencement mais aussi ceux auxquels ils peuvent vouloir accéder par la suite, ayant l’air plus « conséquents » que les albums simples.
  • Question « Qu’aimeriez-vous pouvoir lire » : fondée sur le désir de la personne et non sa compétence actuelle.

Évaluation des besoins 

On référence 4 degrés dans l’illettrisme, selon une classification qui ne se base plus sur le passé des personnes et les origines de l’illettrisme mais sur les compétences.

  • La personne peut prendre des repères dans les écrits (pictogrammes etc. ) : utiliser des livres illustrés sans trop de textes écrits.
  • La personne a acquis ces repères mais pratique une approche intuitive : on peut lire des textes courts où chaque phrase fait sens. Exemple : « La rentrée des maman » qui plait beaucoup aux mamans.
  • La personne accède à la grammaire.
  • La personne sort de l’illettrisme, elle a acquis les repères dont elle a besoin pour la vie quotidienne, même si tous les repères linguistiques ne sont pas encore acquis.

 

Maîtriser le discours concernant la lecture publique sur le territoire

  • Faciliter la compréhension du concept en proposant une définition simple : la lecture publique concerne l’accès à la maîtrise de tous les outils de transmission de la connaissance.
  • Présenter sa mise en actions sur le territoire par la bibliothèque/médiathèque : définir des objectifs locaux (en lien avec les axes plus larges de développement de la collectivité). Si ces objectifs ne sont pas déjà posés par la collectivité, aider à les exprimer.
    Mettre en lumière la fonction sociale des bibliothèques : c'est un lieu du débat démocratique (Rapport 2015 sur la lecture publique), le lieu de l’agora. C'est un outil au service des élus pour une adhésion à la communauté.
  • Rappeler que 75% de la population a une pratique de lecture, mais qu’il ne s’agit pas forcément de livres empruntés en bibliothèque. Il ne faut donc pas fermer la bibliothèque sur une vision restreinte et obsolète de lieu exclusivement réservé au prêt de documents.
    En conséquence, montrer que la bibliothèque peut mettre en place des activités qui permettent la rencontre. Présenter la bibliothèque du 21ème siècle (voir rapport Orsenna).

Collections « Facile à lire »

Outils 

  • Flyers du ministère de la culture (un flyer pour les usagers, un pour les accompagnants).
  • Glossaire: lister tous les mots professionnels (fonds, jaquette, cote…) qu’on utilise couramment pour les traduire dans le discours. La difficulté est de savoir lesquels sont difficiles pour des personnes non habituées.
  • Site utile : alphabibliothèque.be (site belge).
  • Éditeur intéressant : La traversée, de « vrais » auteurs travaillent en collaboration avec des futurs lecteurs concernés.
  • Exemple d’actions : « Histoire de dire », fait par CRI Rhône-Alpes = actions à partir d’une sélection de livres.
  • La chaîne des savoirs (Anne Vinérier) https://www.chainedessavoirs.org/qui-sommes-nous/notre-histoire/
  • Site participatif proposé par D. Genty pour toutes les informations.

Fonds type 

  • 10% de livres de niveau 1. Ce sont des ouvrages basés sur le visuel, permettant le feuilletage.
  • 20% de fictions et documentaires facilement abordables de niveau 2. Il s'agit de romans linéaires avec des chapitres brefs.
  • 60% de niveau 3. Des ouvrages pour adultes sans difficulté de lecture majeure mais en demande de lectures de détente.
  • 10% pour les autres documents : hors de ces critères mais autour de sujets divers, ouvrages de ressource et d’information.

Aménagement des lieux

  • Facilitation de l’accès à ces collections (près de l’entrée, dans un endroit où l’on peut repérer depuis le poste habituel de travail les demandes d’aide qui n’osent pas s’exprimer).
  • Structuration de l’espace.
  • Meubles: on peut en faire construire par des structures handys (ESAT par exemple) ou des ateliers type Emmaüs.
  • Mise en valeur d’éléments pouvant sembler familiers : cela peut être des manga (Journal de mon père, Balade de Yaya).

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