Encore un article contenant des données qu'il est important de connaître lorsqu'on doit gérer un fonds ancien.

Et ce, même si l'on n'a pas le temps dans la pratique de faire de longues recherches sur l' imprimeur-libraire de chaque ouvrage à traiter !

Notes de cours, ENSSIB Villeurbanne, 2005

 

Enjeux et perspectives du travail sur les adresses

 

C’est un travail en plein essor, commencé dans les années 70.

Depuis 30 ans, on assiste à une explosion de la bibliographie, mais on dispose encore de peu de ressources électroniques pour les autorités. Une base italienne existe pour les livres italiens du 16ème siècle, mais peu d’autres références sont disponibles en ligne.
Les bases bibliographiques sont souvent très imparfaites, en raison de l’exigence quantitative du début : il fallait répertorier le plus grand nombre de références en le moins de temps possible. Cette exigence est devenue avec le temps qualitative : il s’agit maintenant d’ajouter de la valeur aux gisements de notices imparfaits.

Pour beaucoup d’ouvrages, l’imprimeur-libraire est un point d’accès très important afin de vérifier, identifier et localiser les renseignements que l’on possède sur le livre.
La recherche sur l’imprimeur-libraire permet :

  • Identification de l’édition : la localisation et la datation laissent souvent à désirer. On trouve de nombreuses erreurs du style confusion Lyon et Leid, etc…
  • Indexation : rapprocher toutes les notices qui ont été éditées par un même libraire permet la création de liens avec des notices bibliographiques.
  • Offrir des notices aux réseaux francophones, européens, voir plus larges : cela permet une meilleure connaissance des fonds anciens, connaissance utilisée par les historiens du livre comme les spécialistes des différentes matières.

Une dynamique de recherche est indispensable pour valoriser les collections.

 

Aperçu historique

 

La notion d’imprimeur libraire est liée à la notion d’édition. Il faut reconstituer le réseau d’une quantité énorme d’éditions qui sont présentes dans nos bibliothèques.
L’éditeur-libraire permet une traçabilité industrielle explicite : les noms sont laissés en clair (contrairement aux poinçons et marques sur les objets fabriqués), c’est un gisement immédiatement utilisable pour retrouver les renseignements dans les fichiers d’autorités.

Pour dater les ouvrages sans date qui possèdent une adresse, la biographie de l’imprimeur-libraire permet de retrouver la fourchette de date d’édition possible (10 % des livres et 30% des livrets sont dépourvus de date).

Des catégories entières de la production ne sont pas datés : par exemple les factum (exposés d’arguments de plusieurs parties dans un procès), mal catalogués et donc introuvables quoique très nombreux dans nos bibliothèques ; mais l’identité de l’imprimeur-libraire est inscrit sur ces documents. De même pour les catalogues de libraires : les deux tiers ne sont pas datés, sans doute pour éviter de paraître périmés au bout de quelques années. Les livrets de colportage de la bibliothèque bleue ne sont également pas datés.

D’autres dates ne sont pas fiables : dates fictives des publications prohibées, éditions anti-datées pour les contre-façons, dates erronées dues à des coquilles de typographes ou à des erreurs de lecture des catalogueurs, ouvrages dont la page supportant la date a été déchirée…

Sous l’ancien régime, toute édition dont le privilège est échu (soit 6 ans en moyenne après la parution) entre dans le domaine public, peut-être est-ce pour cela que certains éditeurs évitent d’inscrire la date d’édition pour essayer de prolonger le monopole de vente du livre ?

Donc en datant un éditeur, par exemple grâce à son matériel ornemental, on ajoute une valeur bibliographique à un document.

 

Etat-civil du livre

 

C’est un terme inventé par Marin et Febvre, qui recouvre l’ensemble des indications textuelles ou icôniques portées avant la commercialisation ou la diffusion d’un livre, destinées quelque soit leur emplacement à présenter l’identité publique de ce livre.
Cette identité clairement lisible a été rendue nécessaire par la complexité du circuit commercial du livre et par son exportation, contrairement à la simplicité des échanges autour du manuscrit qui ne passait guère que d’entre les mains de ses auteurs à celles de son commanditaire.

Le colophon
Il apparaît en 1457 avec le Psautier de Mayence. C’est un long texte à la fin du livre dans lequel on insiste sur le savoir-faire de l’artisan.
Le colophon se généralise fin 15eme siècle, puis le texte se simplifie jusqu’à ce qu’il se restreigne à l’achevé d’imprimé (fin 15eme siècle, début 16eme).

L’achevé d’imprimer
Il donne simplement la date de fin d’impression, le lieu d’impression (pas toujours). Le privilège étant valable à partir de la date d’achevé d’imprimer et non de la date d’édition, un éditeur ayant un privilège peut penser avoir intérêt à le mettre.

La marque de l’imprimeur
Elle apparaît également dans le Psautier de Mayence, et c’est encore la logique de l’artisan qui signe son livre qui explique son apparition. L’habitude de l’inscrire se répand lentement, on la trouve en France à partir des années 1480 (Guy Marchant 1483), et elle se généralise vers 1490.
La marque se trouve vers le colophon. Les marques sont souvent énigmatiques, il faut connaître celle de l’imprimeur pour arriver à l’identifier.

La page de titre
Dans les débuts, il s’agit en général d’une simple page portant le titre du livre. Elle est placée au début du livre (contrairement au manuscrit du moyen-âge, dans lequel le titre était indiqué à la fin) pour le protéger lors des manipulations.
Elle apparaît en 1470 à Cologne avec le Sermo ad populum, dans lequel le titre est porté à la fois sur une page au début du livre et dans le colophon à la fin. En 1472 à Padoue apparaît une page de titre plus complète, portant auteur, titre, lieu d’édition, initiales des imprimeurs et date.
Peu à peu, la page de titre se complète. On trouve la première page complète en 1484, puis l’usage se généralise dès 1486 et au début du 16eme siècle.
Le libraire n’apparaît sur la page de titre qu’avec Jean Petit, rue Saint-Jacques, indication portée sur le rez-de-chaussée de la page. L’usage fera que le libraire soit noté sur la page de titre et l’imprimeur dans l’achevé d’imprimer.
En 1761, une ordonnance bannit les enseignes (auparavant indiquées dans l’adresse du libraire). C’est l’époque à laquelle un système de numérotation des rues se met en place (Lyon en 1755, Paris en 1768…)

Mentions obligatoires
Obligation est faite aux libraire de faire figurer leur adresse (ordonnances de 1542 pour Paris, 1547 et 1561 pour l’ensemble du royaume, ces mêmes ordonnances rendant la date d’édition obligatoire).
L’ordonnance de Moulins en 1566 oblige les libraires à indiquer leur nom et demeurance. Cette date correspond à l’apparition du privilège.

Le privilège
Il se présente tout d’abord comme une mesure de bienveillance, de protection. Il apparaît d’abord en Allemagne, où il aura peu de succès, mais se généralise en Italie (1481 à Milan, 1486 à Venise), et la pratique en est importée en France en 1498. On trouve alors de nombreux « avec privilège du roi » au rez-de-chaussée des pages de titre.
Le privilège est une sorte de copyright (moyennant finances) pour 6 ou 9 ans maximum.
A partir de l’ordonnance de Moulins en 1566, l’octroi de privilège devient officiellement obligatoire pour toute nouvelle édition. Il s’agit alors de contrôler les parutions pour lutter contre les hérésies.
En 1701, la pratique du privilège est étendue à toute la production, réimpressions comprises, et non plus seulement aux nouveautés. Mais apparaît également la pratique de la permission, qui n’est pas un monopole mais une simple permission d’éditer.

Tout ce système dans le but d’assujettir l’ensemble de la production à la censure. Mais les privilèges doivent s’obtenir auprès de la chancellerie qui demeure près du roi (à Paris ou avec lui pendant ses voyages). Il est donc très difficile pour un libraire de province d’obtenir ces autorisations, et les éditeurs entrent donc dans la clandestinité, souvent soutenus par les parlements.

 

 

Typologie des sources pour les imprimeurs-libraires

 

  • Les annales typographiques, par les bibliophiles du 19ème.
  • Les monographies régionales.
  • Les thésaurus et index des bibliothèques, que l’on trouve en ligne, mais souvent succincts.

Le répertoire des imprimeurs-libraires essaye de faire une synthèse de toutes ces sources.

 

 

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