La médiathèque départementale de la Côte d'Or proposait une journée professionnelle en visioconférence sur l'accessibilité à tous des ressources numériques dans les médiathèques.
Voici un compte-rendu présentant des solutions aux problèmes de l'accueil des personnes en situation de handicap au sein des médiathèques.

Intervenants : 

Sophie Blain : éditions Les Doigts qui Rêvent

Luc Maumet : ancien collaborateur de Valentin Haüy et actuel acteur de ABC (Accessible Books Consortium)

Chaque intervention s’est déroulée séparément afin d’aborder deux axes bien distincts :

  • Sophie Blain pour la présentation du « Facile à Lire » et la manière de le mettre en place dans un espace publique.
  • Luc Maumet pour la considération du handicap et les actions mises en œuvre pour faciliter l’accès aux livres pour un public spécifique.

Leur objectif : présenter des solutions aux problèmes de l’accueil des personnes en situation de handicap au sein des médiathèques.

 



Typologie des publics visés 

Le public visé est multiple :

  • Personnes en situation de fatigabilité (personnes âgées, malades…).
  • Personnes dont le français n’est pas la langue maternelle ou FLE.
  • « Quart Monde » qui n’a pas forcément accès aux ressources ou à l’éducation nécessaire.
  • Personnes en situation de handicap et d’illettrisme.

En France, est considérée comme illettrée toute personne ayant été scolarisée sans avoir acquis de bases solides dans des domaines tels que l’écriture, la lecture ou encore le calcul.

 

Concept du « Facile à Lire »

N’importe quel livre peut être un « Facile à Lire » dans la forme…

Ce fonds est un peu particulier dans le sens où n’importe quel livre peut en faire partie indépendamment de son genre, de son format ou de la volonté de son auteur.

Il doit cependant :

  • être attractif dans sa présentation (forme, couverture)
  • bénéficier d’une mise en page aérée
  • être aisément lisible (gros caractères, police simple sans fioritures)
  • proposer un chapitrage, titré de préférence

Si l’ouvrage est illustré, il est préférable que les illustrations soient valorisantes pour le lecteur, qu’elles ne lui renvoient pas une image négative de lui-même en raison de ses difficultés.

Si l’ouvrage est adapté au format audio, cela représente un gros avantage pour l’usager, notamment s’il est atteint d’un handicap visuel ou de troubles tels que la dyslexie.

Il est également possible de considérer comme « Facile à Lire » une œuvre qui se trouve associée à plusieurs autres médias (par exemple : la connaissance d’un film adapté facilite la lecture d’un livre).

 
... Mais pas sur le fond

Pour être accessible, le récit doit :

  • être écrit de préférence à la 1ère personne
  • être composé de phrases courtes
  • présenter un nombre restreint de personnages
  • être linéaire
  • éviter les sauts temporels
  • utiliser un vocabulaire et une conjugaison simples.

 

L’origine du « Facile à Lire »

« Facile à Lire » est l’adaptation française du concept « Easy to Read Square » qui vient de pays scandinaves comme la Suède. Il est également mis en pratique aux Pays-Bas et en Belgique.

Le concept de « Facile à Lire » a été développé en France à partir de 2013, d’abord en Bretagne. Cette année-là, la fermeture des abattoirs Gad Lampaul entraîne le licenciement de 900 salariés dont une grande majorité avait perdu l’habitude de la lecture au point de se trouver en situation de quasi-illettrisme.

Pour pallier ce problème et faciliter leur réinsertion professionnelle, le gouvernement a lancé le « Pacte d’Avenir pour la Bretagne » qui permet l’ouverture d’espaces « Facile à Lire » dans les hôpitaux et bibliothèques ainsi que la mise en place de résidences d’auteurs se déroulant sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

C’est cependant au travail de Françoise Sarnowski que l’on doit la multiplication de ces espaces qui sont désormais présents dans un grand nombre d’établissements en France.

 

Les référentiels

Ces derniers sont des sources auprès desquelles il est possible de se renseigner sur le « Facile à Lire ».

Les organismes référents sont divers puisqu’ils peuvent être institutionnels comme le réseau Canopé ou d’envergure nationale avec l’ANLCI (Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme) mis en place par Françoise Sarnowski, qui est également à l’origine de Bibliopass.

Il est possible de trouver des référentiels sous forme de label comme FALC (Facile à Lire et à Comprendre) et FAL (Facile à Lire), mais il également possible de les trouver à une échelle plus restreinte et plus proche du lecteur comme par exemple les Sélections annuelles « Facile à Lire » constituées par la Médiathèque de l’Ille et Vilaine.

Un certain nombre de collections se spécialisent dans ces labels, comme La Traversée aux éditions Weyrich, Des Graines et des Guides aux éditions A Dos d’Âne ou encore Petite Poche chez Therry Magnier. On trouve aussi quelques maisons d’édition comme par exemple Quart Monde.

 

Mise en place au sein d'une espace public

Les partenaires

Commencer par repérer les différents partenaires présents sur le territoire dans lequel se trouve la médiathèque désireuse d’entreprendre cette démarche.

Ces partenaires peuvent se trouver au niveau national sous la forme associative comme Valentin Haüy pour les publics en situation de Handicap ou l’ANLCI pour la lutte contre l’illettrisme ainsi que toutes les structures qui leur sont associées et qui leur servent de relais à travers la France.

Il peut également s’agir de structures moins spécifiques : Offices de Tourisme, mairies, écoles ou encore associations culturelles. Mais leur fonction se limitera à relayer l’information ou participer à des actions de médiations.

Il est également possible d’obtenir des subventions pour la création d’espaces dédiés via le CNL et la DRAC.


Valorisation et médiation

Afin d’optimiser leur accessibilité, il est conseillé de les rendre visibles depuis l’entrée de l’établissement et de les mettre en scène :

  • Installer les fonds dans des espaces faciles à repérer
  • Appliquer une signalétique cohérente par rapport aux autres espaces
  • Concevoir des espaces permettant à l’usager de s’installer
  • Le mobilier utilisé doit être facilement repérable et potentiellement transportable pour les médiations hors les murs
  • Proposer des outils connectés pour permettre d’écouter des livres audio ou d’accéder aux livres augmentés
  • Présenter les ouvrages de face sur les rayonnages appropriés
  • Abandonner toute méthode de classement que ce soit par genre, par Dewey ou par âge
  • Proposer le plus de choix possible pour éviter que le public ne se sente lésé
  • Proposer un livret d’accueil en version simplifiée : rédigé en respectant les critères du FALC, mis en valeur avec des visuels (photographies, pictogrammes…), transmettre toutes les informations nécessaires à des usagers qui ne sont pas à l’aise avec la lecture en se limitant aux informations essentielles. Ce livret peut comprendre une vingtaine de pages du fait de sa composition particulière. Mettre le livret à jour régulièrement pour ne pas transmettre d’informations erronées.

Il est également recommandé de faire de la médiatisation dans les structures partenaires comme les Offices de Tourismes ou les mairies et de ne pas oublier les centres pénitentiaires.

Afin de redonner une certaine dignité à un publique qui n’a plus ou n’a jamais eu le droit de vote, un Prix « Facile à Lire » octroyé par vote des usagers a été créé en Bretagne.

Ce prix est divisé en deux catégories :

  • Élection du meilleur auteur « Facile à Lire » de l’année.
  • Élection de la médiathèque disposant du meilleur espace dédié.

 



Définir le public dont on parle

Ce public comprend les personnes atteintes d’un handicap allant de moyen à lourd (à l’exclusion des personnes portant simplement des lunettes). Cela représente 13% de la population dont 85% sont entrés en situation de handicap après 15 ans.

80% des handicaps sont invisibles et touchent une population très hétérogène, bien que le fauteuil roulant reste (à tort) le symbole du handicap.

 

La considération du handicap

Une personne se retrouve en situation de handicap uniquement parce que son environnement ne lui est pas adapté.

Les déficiences ne disent rien des capacités, c’est donc par l’environnement que l’on créé ou que l’on efface le handicap.

Il faut revoir les idées préconçues, c’est une obligation définie par la loi.
En 2005 une loi a été mise en place pour l’égalité des droits et des chances. Elle évoque la restriction de l’activité subie en raison de l’environnement et rend obligatoire l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Cela signifie qu’il faut permettre à chacun d’utiliser les mêmes services et structures même s’ils ne s’en servent pas de la même manière.
Elle établit également le droit à la compensation du handicap et rend obligatoire la solidarité de la société vis-à-vis de ces personnes.
Ces dernières doivent donc bénéficier d’une chaîne d’accessibilité sans ruptures, à savoir qu’elles doivent pouvoir se rendre partout sans être gênées par le manque de structures adaptées à leur condition.

La signalétique est un point important de cette accessibilité.
Il faut également veiller à ce que les contrastes soient suffisamment importants pour être visibles et lisibles par tous : les pictogrammes se révèlent très pratiques. Les symboles proposés par l’ALL Bretagne sont devenus universels sur l’ensemble du territoire français.

 

La Famine de Livres

On nomme « Famine de Livres » la pénurie de livres adaptés à la condition de personnes qui sont extrêmement demandeuses de lecture et qui se sentent lésées par l’absence ou le manque de propositions au sein des structures publiques.

10% seulement des livres disponibles en librairies existent en formats adaptés aux personnes en situation de handicap :

  • Livres audio
  • Textes numériques
  • Livres en braille
  • Documents en langue des signes française

Des organismes à but non lucratif inscrits sur listes gouvernementales se chargent donc, dans le cadre légal de l’exception handicap,  d’adapter les œuvres pour les publics empêchés. La loi autorise l’adaptation d’une œuvre protégée dans tous les formats et sous toutes les formes possibles et en autant d’exemplaires que nécessaire pour permettre à un public spécifique d’accéder à la lecture. Ni les maisons d’édition, ni les auteurs n’ont voix au chapitre dans ces conditions.

 

Un accès réglementé aux livres adaptés

Le public visé a seul accès à ces œuvres adaptées.

Il s’agit d’une exception et les œuvres adaptées ne doivent en aucun cas être utilisées pour des actions de sensibilisation ou d’information des autres publics.

Les médiathèques doivent vérifier que les emprunteurs font partie de ce public spécifique. Elles sont donc autorisées à exiger un document officiel prouvant que l’usager est en situation de handicap : reconnaissance de handicap, attestation sur l’honneur…

Les bibliothèques publiques sont le seul réseau à même de répondre à l’ampleur de la demande. Il leur incombe donc la mission d’informer tous les publics et de relayer les services des structures agrées en devenant par exemple partenaires d’associations comme Valentin Haüy qui propose un service d’adaptation d’œuvres à la demande, comme Donneur de Voix ou encore la BNF.

 

La Mutualisation des informations

L’association ABC (Accessible Books Consortium) a mis en place en prolongement du traité de Marrakech le site ABC afin de mutualiser les collections de lectures adaptées dans le cadre de l’exception handicap.

Cette association travaille en collaboration avec d’autres organismes localisés dans un grand nombre de pays sur ce projet de mutualisation conçu à l’échelle mondiale.

Ce site a également pour objectif de promouvoir l’accessibilité numérique dont l’intérêt se situe dans son caractère universel puisque le web est, en théorie, conçu pour être utilisable par tous. Le label gouvernemental RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité) est obligatoire pour tout site Internet, mais une grande partie du web n’applique pas les préconisations exigées pour ce label.