Valérie Zézé fait partie des petits délinquants multirécidivistes, de ces personnes qui passent des mois, des années en prison pour avoir volé des parfums, du champagne, du foie gras en grande surface. Elle a été prof de français pendant un an.
Elle a un fils ado, qui risque d’arrêter les études. En prison pour femmes, elle met des tartes aux autres, elle cuisine un gâteau pour son fils (gâteau qui, faute des deux rapports administratifs requis, n’aura jamais le droit d'être mangé), elle parle aux pigeons.
Voilà un témoignage sincère et humain sur la vie d’une personne emprisonnée. Loin de vouloir innocenter son héroïne, la BD veut avant tout l’humaniser : lui laisser un espace d’expression, pour expliquer les logiques, quelles qu'elles soient, de sa vie, de ses actions.
Le portrait de l’héroïne n’a rien de pathétique ou de naïf : c’est une personne qu’on pourrait croiser dans la rue, brutale et tendre, capable d’irresponsabilité aussi bien que d'une grande volonté, rêveuse et cynique, changée autant qu’une autre le serait par les conditions carcérales.
En 1974, Valéry Giscard d’Estaing disait "la prison, c'est la privation de la liberté d'aller et venir, et rien d'autre". Dans cette BD, la prison se veut bien plus violente que cela : privation d’intimité, promiscuité, violence, administration kafkaïenne et persécutions incessantes, ajout de nouveaux traumatismes pour les détenus et pour leurs proches, et puis l’entrée dans un système où détenues, gardiennes, administration et gens de l’extérieur trouvent finalement un équilibre malsain, au point de ne plus savoir comment exister sans la prison.
Valérie finit sa peine, n’a pas de ressources, n’a pas les bons papiers en Belgique, où elle vit depuis trente ans. Le propriétaire de l’appartement de son fils interdit à ce dernier de l’héberger plus d’une nuit, alors elle squatte dans un bâtiment sans chauffage, avec d’autres ex-drogués qui tentent de rester clean. Et là, ouf, sa demande de cure de désintoxication est acceptée. Et puis, second miracle, elle trouve un logement à titre gracieux, où plus tard elle rencontre les bédéistes Delphine et Anaële Hermans. Sans ces deux coups de chance, cette bande-dessinée existerait-elle aujourd’hui ? Et quelles sont les histoires inconnues de celles et ceux qui n’ont jamais rencontré de scénariste ?
La ballade des dangereuses - Delphine et Anaële Hermans, Valérie Zézé, chez La Boîte à Bulles.