C’est l’un des films qui aura marqué une année cinématographique 2020 perturbée. À travers Michel-Ange, le cinéaste russe Andreï Konchalovsky nous transporte dans une période historique clef, la Renaissance italienne, où la beauté côtoie le sordide, et les aspirations spirituelles, la fange des plus bas sentiments.
Konchalovsky est un grand cinéaste ; une histoire de famille d’ailleurs puisqu’il est le frère de Nikita Mikhalkov, réalisateur du merveilleux «Les Yeux noirs ». S’il se sait talentueux, il a toutefois la délicatesse de s’effacer derrière le génie de son sujet florentin, même si les affres du sculpteur font écho à ses propres tourments de créateur, aujourd’hui âgé de 83 ans.
À commencer par les contraintes politiques et économiques qui entravent la liberté de l’artiste illustrées ici par la lutte acharnée entre les Médicis et les Della Rovera. Les séquences du film consacrées par ailleurs au défi économique et technique que représentent l’extraction et l’acheminement d’énormes blocs de marbre replacent le geste du sculpteur dans une entreprise collective, tout comme la vision du metteur en scène Konchalovsky resterait chimère sans les nombreux corps de métiers impliqués dans son film.
Une belle « toile » donc, tournée en couleur dans le format classique, presque désuet, du 1.33 (presque carré). Comme si le cinéaste voulait éviter le spectaculaire du format panoramique qui en magnifiant les décors risquerait d’écraser son sujet : Michel-Ange.
Un biopic n’est réussi qu’avec une puissante « incarnation ». Et justement, l’une des forces du film réside dans l’interprétation d’Alberto Testone dans le rôle-titre. Avec son physique proche du vénéré modèle, où la beauté et la laideur se fondent en une humanité dérangeante, la barbe lui mangeant littéralement la figure, l’ancien dentiste italien devenu acteur nous livre une partition digne d’un Marlon Brando ou d’un Al Pacino. Pas moins ! Une interprétation d’une rare intensité, tout sauf cabotine.
Si Michel-Ange de Konchalovsky ressuscite avec brio l’un des plus grands artistes de tous les temps, ce film acte peut-être également la naissance d’un très grand acteur italien.