La première guerre mondiale a occulté le premier grand génocide du XXème siècle, l’élimination physique dans l’empire ottoman de plus d’un million d’arméniens (environ deux tiers de la population).
Par la même occasion seront aussi exterminés entre 270 000 et 750 000 (les estimations varient) chrétiens nestoriens, chaldéens, syriaques orthodoxes, syriaques catholiques, Assyriens protestants, et quelques 35 000 grecs pontiques. Ces derniers génocides restent très peu connus. Il existe davantage de témoignages et études sur l’histoire tragique des arméniens. Mais ces documents restent malheureusement peu empruntés. Voici donc un rappel des faits, et une liste de livres pour adultes ou pour enfants, documentaires et romans, ainsi que de DVD qui méritent notre attention.
A vrai dire, les exécutions, pillages et destructions de villages avaient commencé dès le 19ème siècle. En réponse à une insurrection locale, 200 000 à 300 000 arméniens sont massacrés entre 1894 et 1896… Les populations arménienne chrétiennes réclamaient depuis les années 1870 l’égalité des droits (et des impôts) avec les musulmans et n’admettaient plus les attaques régulières contre leurs villages de bandes de pillards kurdes et circassiens sur lesquelles le pouvoir fermait les yeux. En conséquence ils étaient considérés comme une menace pour l’existence de l’empire dans ses fondements.
L’arrivée au pouvoir en 1908 du CUP, qui promettait la réconciliation entre les religions et les ethnies de l’empire, avait suscité des aspirations à un état autonome ou indépendant arménien… Espoirs vite retombés dès 1909 avec les nouveaux massacres d’une vingtaine ou trentaine de milliers d’habitants de la région d’Adana…
Le 2 novembre 1914, l’empire entre en guerre aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Les arméniens sont accusés de pactiser avec l’ennemi russe. Après des exactions locales commises par l’armée turque au retour d’une défaite, la destruction de la population est minutieusement organisée dès février par l’Organisation Spéciale, et le génocide commence officiellement le 24 avril.
Les soldats arméniens tout d’abord sont désarmés, affectés à des bataillons de travail, puis exécutés. Dans les provinces orientales, le protocole est bien rodé : les notables et les hommes sont exécutés à proximité des localités, puis les femmes, enfants et personnes âgées, lorsqu’ils ne sont pas assassinés sur place, sont évacués par petits groupes, sans nourriture et sans eau, et décimés en route de diverses manières. Ce sont les Marches de la Mort. Les déportations sont également mises en place dans le reste de l’empire, d’abord vers Alep puis soit vers la Syrie, le Liban et la Palestine, soit vers des mouroirs le long de l’Euphrate où ils seront définitivement exterminés en juillet 2016, et principalement à Deir Ez-Zor, où a été érigé plus tard un mémorial.
Tout cela s’accompagne d’un arsenal de lois (loi provisoire de déportation le 27 mai, loi d’expropriation et de confiscation en septembre), et l’ordre d’extermination est clairement confirmé le 15 septembre dans un télégramme de Talaat Pacha.
Un tiers de la population survivra, parmi les populations de Constantinople et Smyrne, dans les localités sauvées par l’avancée de l’armée russe, parmi les femmes et les enfants enlevés dans les convois et conduits dans des foyers musulmans, et parfois parmi les déportés vers la Syrie, le Liban et la Palestine.