« Encore un que les prussiens n’auront pas ! ». Une expression entendue dans l’enfance en petite montagne, qui m’a interrogée quand j’ai su ce qu’était un Prussien…
Partant de l’hypothèse que les campagnes comtoises n’avaient pas connu d’occupation allemande avant les années 1940, il n’était pas logique que des p’tites vieilles toutes cassées puissent conclure un bon repas par une allusion aux porteurs de casques à pointe ?
Pour moi, la guerre de 70 évoque Sedan, Metz, La Débâcle de Zola et les récits de franc-tireur de Léon Bloy, plus vaguement le siège de Belfort (à cause du lion de Bartholdi), mais tout ce bazar se passait loin des villages du sud de la Comté qui n’avaient pas connu en 70 de réquisitions, occupations, pillages et autres joyeusetés quotidiennes des guerres de tous les temps.
Mais ils sont bien passés par la Comté… Poursuivant les troupes françaises en retraite, harcelés par les francs-tireurs, les prussiens font leur job de soldats. Il y a donc forcément des maisons incendiées, des exécutions sommaires, des pillages (en fait rares en 70 car sanctionnés par les officiers), des combats (autour des ponts sur l’Ognon, à Villersexel, Héricourt, Dannemarie, Besançon…), des villes occupées (Belfort, Dole, Salins conquise maison par maison), etc.
Les combats finis, c’est l’occupation et des « contributions de guerres » exorbitantes exigées de la population, qui s’ajoutent pour des communautés rurales pauvres aux sommes déjà réclamées par la France pour l’équipement des gardes mobiles des départements. Tout cela explique pourquoi - même dans les contrées épargnées par les combats, la rumeur a pu amplifier les souffrances vécues par les villages situés plus au nord et la guerre de 1870 a laissé des traces dans les expressions populaires.
Chronique d'une guerre oubliée : la guerre de 1870-1871 en Franche-Comté / Jean-Louis Clade.- Bière (Suisse) : Cabédita, 2015.- 1 vol. (202 p.) : illustrations en noir et blanc, couv. ill. en coul. ; 22 cm.- (Archives vivantes).